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La maison de la rue Notre-Dame-de-Nazareth où logeait Edmée donnait, par derrière, sur la cour du Plat-d’Étain. Bien souvent elle avait pu voir Trois-Pattes dans l’exercice de sa pauvre industrie. Pendant qu’elle était malade et faible d’esprit, l’aspect de Trois-Pattes lui inspirait une compassion mêlée de terreur. Plus d’une fois, et comme malgré elle, Edmée avait passé des heures entières à le regarder, manœuvrant la partie paralysée de son corps et accomplissant avec son torse et ses bras des actes de véritable vigueur.

Pour Edmée, ce reptile à tête d’homme, deviné plutôt qu’aperçu dans l’ombre de la route, était l’estropié du Plat-d’Étain.

L’idée ne tint pas cependant ; car comment supposer que Trois-Pattes pût rôder dans ces lieux déserts sans son attelage ? Et pourquoi à cette heure, où il ne quittait jamais son poste de la cour des messageries ?

En ce moment le chien de boucher devait galoper vers Paris.

Les dernières lueurs du crépuscule ont de ces jeux et trompent à chaque instant la vue.

Edmée avait l’esprit plein autant que le cœur, au sortir de cette maison où elle venait de tenter une épreuve décisive pour elle. Néanmoins, ce n’était qu’une jeune fille, et la nuit porte avec soi des épouvantes. Quand Edmée passa devant les buissons où la vision s’était évanouie, son regard inquiet les interrogea.

Elle ne vit rien.

Elle poursuivit sa route, sans plus songer à cet incident. Sa route était longue et traversait une campagne déserte : longue pour aller jusqu’à Livry, par la forêt ; bien plus longue, hélas ! pour aller jusqu’à Paris. Or, depuis que le diamant n’était plus dans la bourse d’Ed-