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Mme la baronne était très pâle, parmi l’éblouissant épanouissement de son sourire.

Sur la table, au moment où la clef la touchait, un tout petit objet avait adhéré à la nappe, faisant à sa blancheur une tache imperceptible : un rien, figurez-vous, un grain de poussière, un atome.

Mme la baronne, qui n’avait pas même accordé un regard à la clef, s’était-elle aperçue que cet atome était de la cire ?

Savait-elle seulement qu’avec de la cire on peut prendre l’empreinte d’une clef ?

Certains philosophes prétendent que les dames n’ont pas besoin de regarder pour voir, et que, sans avoir rien appris, elles savent toutes choses.

Comme on se levait de table, Mme la baronne trouva moyen de joindre Domergue et lui dit :

« Il faut que j’aille à Paris ce soir. »

À part ces futiles cachotteries, néant : la maison Schwartz était l’asile d’une paix profonde.

Edmée Leber avait pris, en sortant du château de Boisrenaud, le chemin qui traverse la plaine et gagne les bois, pour remonter à Montfermeil. Cette route longeait le saut de loup l’espace d’une centaine de pas, à cause d’un angle saillant qui existait dans le tracé du parc. Aux dernières lueurs du crépuscule, Edmée crut distinguer une forme bizarre qui se glissait parmi les buissons, de l’autre côté du chemin ; nous n’avons pas dit : une forme humaine. C’était comme un reptile à tête d’homme, et la jeune fille crut d’autant mieux à cette vision qu’elle avait vu une fois déjà aujourd’hui, dans son panier, traîné par un chien de boucher, cette misérable créature, moitié mendiant, moitié commissionnaire, que sa hideuse infirmité rendait célèbre dans tout le quartier Saint-Martin.