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belle Julie rajeunissait avec une adresse de fée les dentelles de prix et les guipures authentiques, elle rendait aux soieries leurs couleurs, elle restituait aux tissus de l’Inde l’éclat premier de leurs broderies. Il y avait deux opinions parmi ces dames. Celles qui n’étaient pas mal disaient : « Elle n’a rien d’étonnant ; » celles qui étaient véritablement jolies et celles qui étaient franchement laides, réunies en un même sentiment, par des motifs fort opposés, la déclaraient délicieuse. Et toutes s’occupaient d’elle. Il faut de ces dissensions pour faire un succès. La maison prospérait.

Et vraiment André Maynotte, fier et vaillant garçon, tout jeune comme sa femme, intelligent, robuste, ardent, très amoureux, et qui n’eût point souffert que la vogue dépassât certaines bornes, n’avait pas trop à se plaindre. De la part de Julie, d’abord et Dieu merci, il n’avait pas à se plaindre du tout : Julie, tendre et sage, le rendait le plus heureux des hommes. Nous parlons des gentilshommes du commerce, des étudiants et des officiers, et nous répétons à la gloire de ces messieurs qu’André Maynotte n’avait pas trop à se plaindre. Ils admiraient de loin. Ces trois catégories de triomphateurs entreprennent moins qu’on ne le suppose. Don Juan bourgeois est un personnage déplorablement surfait ; soyez sûr qu’il tremblera toujours devant une honnête femme. Si donc il n’est pas mort de faim depuis le temps, c’est un peu la faute du sexe auquel, révérence parler, nous devons l’auguste poëme de M. Legouvé père.

Il nous faut ajouter cependant, que le commissaire de police, M. Schwartz, habitait le premier étage de la maison dont les Maynotte occupaient le rez-de-chaussée. Ces voisinages protègent aussi la vertu.

De ce qui précède, le lecteur a sans doute conclu que