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point que ses victoires ultérieures puissent servir de base à une action dramatique.

Calme plat, cependant, en dehors de la question des écus.

Cette belle jeune fille, Edmée Leber, partait pour l’Amérique ! Nous l’avions vue, Edmée, glisser parmi ces tranquillités vulgaires comme une fugitive et impuissante menace, montrant le bout d’oreille d’un mystère…

En dehors de cette mince intrigue, tout était uni comme une glace. M. Schwartz, Mme Schwartz, la jolie Blanche et leurs convives formaient une de ces mille réunions comme on en voit chaque jour, à chaque pas ; une réunion qui, tout en gardant sa dose voulue d’excentricité, ressemble en gros à toutes les autres, où l’on vit bonnement l’heure présente sans trouble de la veille, sans souci du lendemain, mises à part, bien entendu, les affaires, sang des veines de ce peuple et souffle de son âme.

Le mariage de la fille de la maison lui-même avec ce fameux M. Lecoq était une affaire plus ou moins convenante ; elle présentait des profits et des pertes plus ou moins discutables ; mais c’était ou cela semblait être une affaire entendue, réglée, qui ne portait pas avec elle une bien forte dose d’émotion.

Et voyez, cependant : il y a un préjugé, fomenté par les poètes, hypocrites flatteurs de l’indigence, un préjugé qui n’aurait pas besoin des poètes pour avoir cours dans la foule pauvre, où il circule comme une égoïste consolation.

L’opulence a des misères cachées.

Chacun dit cela. Chacun croit à cela.

Est-ce une vérité ? Est-ce une fatalité ?

Ne serait-ce pas plutôt une naïve revanche de la misère jalouse ?