Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans la cour du château, la cloche appela le dîner à toute volée et l’horloge sonna sept heures et demie.

La baronne fit un pas comme pour s’élancer après Edmée. Elle s’arrêta et chancela. Dans l’escalier, la voix du baron Schwartz disait avec un joli accent alsacien :

« À table ! heure militaire ! Prévenir ces dames ! »

La baronne porta les deux mains à ses yeux, aveuglés par des éblouissements. À l’étage au-dessus, le piano de Blanche lançait des fusées de notes. Au dehors, la grille s’ouvrit, puis se referma bruyamment.

Il faisait presque nuit, mais le diamant brillait sur la console, concentrant les rayons épars du crépuscule.

« Elle est partie ! pensa tout haut la baronne. Que lui ai-je fait ? »

D’une main convulsive elle saisit le diamant, comme si ses feux l’eussent blessée. Son regard était fixe et vitreux. Elle ne bougeait pas, bien que la voix de son mari la fît à chaque instant tressaillir.

Le piano de Blanche se tut. Un pas léger descendit l’escalier, et Blanche elle-même, une rose vivante, fit irruption dans le salon.

« Mère ! s’écria-t-elle. Es-tu là ?… sans lumière ?… Que m’a-t-on dit ? Edmée est venue ? Dîne-t-elle avec nous ? Où donc est-elle ? »

Vingt questions valent mieux qu’une pour les personnes troublées.

« Ne faisons pas attendre ton père, » répondit seulement Mme Schwartz.

Quand les lumières de la salle à manger éclairèrent son visage, vous eussiez admiré avec quelle possession d’elle-même, comme disent les Anglais, Mme Schwartz avait reconquis les apparences du calme le plus parfait. C’était un intérieur un peu patriarcal ; elle donna, de-