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Puis, mais pas assez vite peut-être, elle porta brusquement la main à ses oreilles.

Edmée avait atteint sa bourse, et y prenait ce petit papier qui enveloppait un objet gros comme un grain de maïs.

« Vous m’avez fait peur ! murmura Mme Schwartz, qui essaya de sourire.

— Mais vous voici rassurée, sans doute ? » prononça la jeune fille avec un sarcasme si amer, qu’un rouge violent remplaça la pâleur de la baronne.

D’un geste rapide et assurément involontaire, elle releva l’un de ses bandeaux, montrant ainsi le bouton qui brillait à son oreille.

« Et l’autre ? » demanda la voix froide d’Edmée.

La baronne hésita et la colère fit trembler ses lèvres qui étaient livides.

Cependant, au lieu d’appeler ses valets et de châtier comme elle le pouvait cette extravagante insolence, elle garda son sourire et souleva le second bandeau en disant :

« Je ne vous en veux pas, mademoiselle.

— Madame, répondit Edmée d’un ton lent, net, aigu comme la pointe d’un poignard, cet autre vous a coûté six mille francs, et vous aurez désormais trois boutons d’oreilles. »

En même temps, elle déplia l’enveloppe, pour montrer, dans le creux de sa main, un bouton tout semblable à ceux de la baronne, et ajouta :

« Voici le motif vrai de ma visite, madame. Les pauvres ne songent jamais du premier coup aux ressources des riches : je vous croyais dans l’embarras depuis trois mois, et c’est ici ma première sortie. »

La baronne était immobile comme une statue.

Edmée déposa le diamant sur une console, salua et se dirigea vers la porte d’un pas ferme.