Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certains bronzes audacieux montraient leurs reflets verdâtres parmi le blond fouillis de ces dorures mates dont la restauration combla l’univers ; on citait déjà des tailleurs qui ne gauffraient plus le collet des lévites ; les manches à gigot s’élançaient vers des excès révolutionnaires, et quoique assurément aucune barbe à la François Ier n’essayât encore de naître, les populations voyaient avec étonnement de rares et hardis novateurs se présenter en public sans lunettes.

Sans lunettes ! La police imprudente laissait passer ces nudités !

Une catastrophe était dans l’air. Victor Hugo tournait autour de Notre-Dame de Paris, et laissait croître ses cheveux ; Alexandre Dumas expédiait de sa plus belle main les premières scènes de Henri III, et M. Gaillardet, assis aux pieds de la statue, sur le Pont-neuf, voyait jaillir du noir, dans les nuits sans lune, le profil crénelé de cette Tour de Nesle où Marguerite de Bourgogne, selon lui, manqua si cruellement aux convenances !

Le commercé d’André Maynotte, étranger à la ville de Caen, et qu’on supposait d’origine italienne, pouvait donc être une innovation, mais ce n’était pas tout à fait un anachronisme. Il vendait des pistolets, des fleurets, des masques, des gants fourrés, en même temps que de fines lames espagnoles ou milanaises, des bahuts, des pierres gravées, des porcelaines et des émaux. Je ne prétends pas dire, néanmoins, que l’éblouissante beauté de sa jeune femme ne fût pas pour quelque chose dans le succès vraiment précoce d’une pareille industrie. Julie Maynotte, suave comme une vierge-mère de Raphaël avec un petit ange dans ses bras, avait été pour la maison une merveilleuse enseigne. Ces dames vont où courent ces messieurs ; la