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l’heure que vous désiriez une explication, et je me suis prêtée à votre fantaisie pour plusieurs raisons qu’il serait orgueilleux à moi de détailler. Telle n’était pas votre envie, à ce qu’il paraît. J’ai cru deviner ensuite dans vos paroles une sorte de provocation, une menace, même, tellement en dehors du bon sens et de votre caractère que j’ai voulu savoir. Ma curiosité ne va pas jusqu’à vous interroger plus longtemps. Je ne vous chasse pas, mademoiselle Leber, mais si votre volonté est de nous quitter, faites. À part cet entretien, où vous n’avez pas été vous-même, je ne garderai de vous qu’un excellent souvenir, et je serai toujours prête à témoigner… »

Pour la troisième fois, Edmée lui coupa la parole et dit en se levant à son tour :

« Madame, je ne vous demanderai jamais votre témoignage. »

La baronne laissa échapper un geste d’indignation et se dirigea vers la porte en disant :

« Soyez donc libre, mademoiselle. »

Au moment où elle tournait le dos, le regard d’Edmée, aigu et rapide, essaya encore de pénétrer sous les masses latérales de ses cheveux, mais cette coiffure, qui se nommait, je crois, bandeaux à la Berthe, tenait l’oreille entièrement cachée. Edmée ne vit rien de ce qu’elle voulait voir.

« Madame, prononça-t-elle tout bas, comme la baronne allait atteindre la porte, si j’avais voulu seulement prendre mon congé, j’aurais eu l’honneur de vous écrire. Vous avez bien raison : cela se dit en deux mots. Veuillez rester, je n’ai pas achevé. »

La baronne continua de marcher et sa main toucha le bouton. La jeune fille répéta d’une voix plus basse encore, mais plus stridente aussi :