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— Absolument rien, madame, prononça Edmée avec effort.

— Alors, pourquoi nous quitter ? Pourquoi refuser des offres de service si naturelles ? Je sais que vous avez connu des temps plus heureux, et qu’une fierté bien concevable…

— Vous vous trompez, madame. J’avais un frère et une sœur qui avaient pu voir, en effet, notre maison heureuse. Ils sont morts tous les deux. Moi, je suis née au lendemain de notre malheur et je n’ai jamais connu que la pauvreté.

— Il y a dans tout ceci une énigme, ma chère enfant, reprit Mme Schwartz sans rien perdre de sa patiente douceur. Il dépend de vous que j’en sache le mot. Vous êtes dans une heure de fièvre ; je n’accepte pas du tout votre démission, ou, du moins, je vous engage à réfléchir. Votre mère n’a que vous, songez-y…

— Madame, interrompit pour la seconde fois Edmée, dont l’accent devint plus ferme et presque dur, jamais je n’ai été plus calme qu’à cette heure, et je vous parle au nom de ma mère. »

La baronne se leva brusquement, et son geste parut dire que l’idée d’avoir affaire à une folle naissait en elle.

À cela, Edmée répondit nettement :

« Madame, vous vous trompez encore : j’ai toute ma raison.

— En ce cas, chère demoiselle, répliqua la baronne qui se réfugia enfin dans sa position et le prit sur un ton de sévère dignité, permettez-moi de vous dire que notre entrevue a suffisamment duré. À supposer qu’il fût besoin, et je ne le crois pas, de nous signifier la décision que vous avez prise à notre égard, ces choses se font par lettre et en deux mots. Il m’a semblé tout à