Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vales plutôt ; car il y avait entre elles à ce moment un mystérieux souffle de colère.

Et ce mot « rivales » n’est pas tombé de notre plume au hasard. Nous avons voulu éclairer brusquement le secret de cet entretien étrange. Edmée aimait : elle avait peur.

Il y eut de part et d’autre un silence. Le visage de la baronne exprimait le chagrin, l’étonnement et peut-être aussi une nuance d’embarras. La jeune fille restait froide comme un bronze.

Un détail qu’on ne peut omettre ici, malgré son apparence frivole, c’est que, depuis le commencement de l’entrevue, le regard d’Edmée s’était porté plusieurs fois vers la magnifique chevelure de la baronne, dont les masses ondées et rabattues, selon la mode de l’époque, retombaient en deux coques symétriques beaucoup au-dessous des oreilles. Il semblait que l’œil d’Edmée voulût percer et écarter ces voiles qui lui cachaient un témoignage. La baronne avait surpris ce regard.

Ce fut elle qui reprit la première la parole.

« Se pourrait-il, demanda-t-elle, que ma fille eût manqué aux égards ?…

— Non, madame, interrompit Edmée, cela ne se pourrait pas, car mademoiselle votre fille est très bonne et très bien élevée.

— Ma chère enfant, dit la baronne en lui prenant la main de nouveau et d’un accent tout à fait maternel, j’avoue que je ne vous comprends pas. Vous nous avez montré jusqu’à présent beaucoup de dévouement et d’amitié. Ma fille est à l’âge des étourderies ; il eût fallu excuser chez elle un manque de tact ou une parole imprudente, mais si c’est moi qui suis la coupable, je me le pardonnerai moins facilement. Voyons ! soyez franche : vous avez quelque chose sur le cœur ?