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serein épanouissement : elle ressemblait toujours au portrait : les yeux brillaient du même éclat intelligent et doux ; nulle ride n’était venue, à son heure sillonner le large contour de ce front, les joues gardaient la fermeté de leur ovale, chose rare, et, chose encore plus rare, les attaches du cou restaient irréprochables.

C’est dans toute la rigueur du mot qu’il faut dire cela : Mme la baronne Schwartz était très belle, et sans ajouter « pour son âge, » ce correctif désolant.

Il y avait maintenant seize ans pour le moins que Julie Maynotte avait changé de nom.

Dix-sept ans s’étaient écoulés depuis cette heure de deuil et d’amour où son sourire stoïquement docile éclairait la tristesse de l’adieu, dans le silence et la solitude des grands bois.

Dix-sept ans ! La rose est d’un matin, la femme est d’un printemps.

Et cependant Mme la baronne Schwartz ressemblait toujours à Julie Maynotte.

L’eau du ciel peut glisser pendant des siècles sur la pure beauté des marbres antiques. Il y a des femmes qui sont sculptées dans le marbre.

Elle était belle ; le baron Schwartz l’aimait d’une folie éperdue, ardent comme un jeune homme, jaloux comme un vieillard.

Lui, le baron Schwartz, le dompteur de millions !

Elle était jeune sincèrement, et sans le secours de cet art auquel tant d’autres demandent en vain la menteuse jeunesse.

Elle était jeune, au point de paraître jeune à côté d’Edmée Leber, cette fleur nouvelle qui venait d’ouvrir sa corolle au caressant soleil de la dix-huitième année. Vous eussiez dit, à les voir, deux compagnes, deux ri-