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surprit le mouvement de la jeune fille, et ses noirs sourcils eurent un tressaillement léger.

Ce fut rapide plus que l’éclair. La baronne Schwartz franchit le seuil, riante et calme, comme une grande dame qu’elle était, ayant bon cœur et bonne conscience, ayant surtout le pouvoir et la volonté de venir en aide à toute infortune qui sollicitait sa compassion. C’est ici le meilleur privilège de la richesse : ne jamais refuser, aller même au-devant de la prière timide, faire plus encore : chercher, chercher passionnément l’occasion de donner, comme d’autres cherchent l’occasion de prendre. Quoi qu’on dise, Dieu aime les riches.

La baronne Schwartz était la femme bien-aimée d’un homme puissamment riche. Elle jouait comme il faut son rôle de Providence, et beaucoup de bénédictions entouraient sa main toujours ouverte.

Ce fut donc en restant elle-même parfaitement et sans franchir la limite de ses bontés ordinaires qu’elle prit les deux mains d’Edmée pour mettre un baiser à son front et dire :

« Comment nous avez-vous laissé ignorer que vous fussiez malade, chère enfant ? Vous saviez que nous étions à Aix en Savoie. Blanche ne vous a-t-elle pas écrit ?

— Si fait, madame, répondit Edmée dont les yeux étaient baissés ; Mlle Blanche a bien voulu me donner de vos nouvelles.

— Et pourquoi n’avoir pas fait réponse ? Avez-vous été souffrante au point de perdre vos leçons ?

— J’ai gardé le lit trois mois, madame. »

La baronne s’assit, mais sa voix fut moins libre lorsqu’elle reprit :

« Trois mois ! Tout le temps de notre séjour à Aix ? Et votre bonne mère ?