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du banquier. Je suis bien le serviteur de monsieur le baron. »

Il laissa retomber la porte et disparut.

En voyant disparaître Trois-Pattes, M. Schwartz fit un mouvement comme pour s’élancer après lui.

« Il y a du Lecoq là-dedans ! dit-il pour la seconde fois en se rasseyant. Je le sens tout autour de moi, et, par moments, j’ai peur ! »

Sa tête s’affaissa entre ses deux mains. Il était puissamment préoccupé. Au bout de quelques secondes, ses réflexions tournèrent.

« Ma femme !… murmura-t-il, tandis que des rides profondes se creusaient à son front. Michel !… »

Ce fut tout. Sa pensée resta en lui.

Mais nous devons noter ici un détail muet. Après avoir réfléchi et peut-être combattu en lui-même, M. le baron prit dans la poche de son gilet une petite clef d’acier ciselé, une très jolie clef, ressemblant à celles qui ferment les nécessaires mignons des dames.

Il la regarda et il hésita.

Sur ses traits, il y avait un sourire pénible.

Ceci n’était, pas une affaire d’argent ; pour les affaires d’argent, M. Schwartz n’hésitait jamais.

Ayant ainsi hésité, il ouvrit un tiroir de son secrétaire, dans lequel il trouva un bâton de cire à modeler.

Pourquoi avait-il cela ? Vous en avez peut-être ; moi aussi ; pourtant ni vous ni moi ne fabriquons de fausses clefs.

D’une main il tenait la clef gentille que son regard sournois caressait, de l’autre il pétrissait la cire qui allait s’échauffant et s’amollissant dans ses doigts.

Comme Trois-Pattes descendait l’escalier à sa manière, un pas de femme effleura les dalles du corridor, au premier étage. Il s’arrêta, ému jusqu’à la défaillance.