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III

Cinquante don Juan.


Il nous faut rétrograder de quelques heures pour parler d’une chose encore plus célèbre que la caisse à secret et à défense de M. Bancelle. En ce temps-là, Caen était une ville un peu tapageuse ; les étudiants et les militaires faisaient beaucoup de bruit autour des jolies femmes.

La plus jolie personne de Caen, la plus belle aussi, c’était Julie Maynotte, femme du ciseleur sur acier. La jeunesse dorée de Caen désertait le grand cours et le cours de la préfecture pour croiser sous les arbres lointains de la place des Acacias, depuis qu’André Maynotte avait ouvert, au coin de la promenade, un modeste magasin d’arquebuserie et de curiosités qui s’achalandait rapidement.

Les officiers de toutes armes, car la division militaire n’avait pas encore été transférée à Rouen, les étudiants des diverses Facultés et les lions du commerce se faisaient connaisseurs à l’unanimité et venaient admirer, du matin au soir, les objets modernes ou antiques, disposés avec un goût tout particulier dans la montre étroite. Le romantisme en bas âge n’avait pas inoculé aux fervents de la mode cette fièvre du moyen âge qui produisit de si drôles d’effets quelques années plus tard, mais un sourd travail de préparation avait lieu ; on voyait déjà quelques pendules dont les sujets n’étaient ni Fingal, ni Eucharis, ni Alonzo, ni Galathée ;