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Un sourire essaya de naître sous la moustache hérissée de l’estropié. Comme il hésitait à répondre, en homme qui croit avoir mal entendu, M. Schwartz frappa du pied et s’écria, cette fois dans la langue de tout le monde :

« Que diable ! monsieur Mathieu, ne me faites pas languir ! Vous savez quelque chose sur ce mauvais sujet de Michel ! Allez. »

M. Mathieu prit un air étonné sous lequel perçait bien un petit bout de moquerie.

« Vous m’aviez défendu… commença-t-il ; mais je suis tout aux ordres de monsieur le baron. En définitive, mieux vaut encore s’occuper à des fadaises comme ces jeunes gens, Maurice et Étienne. M. Michel file un mauvais coton, excusez le mot. Il vit, Dieu sait où, courant les tripots et jouant un jeu d’enfer…

— Un jeu d’enfer ! Michel !

— Perdant des deux ou trois cents louis par soirée, s’il vous plaît, fréquentant les théâtres, soupant, faisant des dettes absurdes, et les payant !

— Les payant ! répéta encore M. le baron ; comique ! »

Il se leva et fit un tour dans la chambre.

Dès qu’il eut le dos tourné, la physionomie de Trois-Pattes changea si subitement qu’on eût dit une transfiguration. Le masque prit vie, et les yeux, ardemment animés, dirigèrent un regard perçant vers la fenêtre ouverte. La fenêtre donnait sur les jardins. Les hôtes du château de Boisrenaud étaient dispersés dans les allées ; ce coup d’œil alla à tous et à chacun, comme un éclair. Ce coup d’œil cherchait quelqu’un.

Quand M. le baron se retourna, Trois-Pattes regardait la pelouse avec une placide admiration.

« Voilà un paradis ! soupira-t-il. Excusez !