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vaillent, ils travaillent comme des forçats à faire des drames ; et je sais cela, parce que les voisins les entendent déclamer et se disputer, qu’on croit toujours qu’ils vont mettre le feu à la maison.

— Drôle ! interrompit le banquier.

— Hein ? fit M. Mathieu quelque peu offensé.

— Très drôle ! expliqua le baron. Au galop !

— Ils ont tout vendu. On ne gagne pas beaucoup d’argent à faire des drames qui sont refusés au théâtre. Autrefois, M. Michel travaillait avec eux, mais maintenant… »

Trois-Pattes s’arrêta court, honteux d’être rentré malgré lui dans la voie des digressions.

« Comique ! dit le baron, dont le geste sembla l’encourager à poursuivre.

— Excusez-moi, reprit Trois-Pattes. Je sais bien que M. Michel ne vous regarde pas. Nous autres, de Normandie, nous sommes bavards… »

Le banquier fit un geste équivoque, pendant que Trois-Pattes poursuivait :

« M. Maurice est amoureux, pour le bon motif, et si monsieur le baron voulait le marier…

— Aime ma fille, prononça le banquier froidement. Idiot.

— Bah ! Mlle Schwartz est assez riche pour deux. »

Ceci fut dit avec onction. Le baron répondit :

« Mariage affaire faite… à peu près. »

Puis il croisa ses jambes l’une sur l’autre et, prenant un air de parfaite indifférence, il murmura ce seul nom, suivi d’un point d’interrogation :

« Michel ?

— Vous voulez dire Maurice ? » rectifia Trois-Pattes.

Le banquier répéta :

« Michel ! »