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teau de Boisrenaud, défendait de parler affaires. M. le baron Schwartz délaissait ses invités pour recevoir Trois-Pattes dans son cabinet. Était-ce pour parler politique ?

Personne ici n’ignorait la légende de Trois-Pattes, que les domestiques du baron avaient ordre d’appeler M. Mathieu. Trois-Pattes était un personnage dès longtemps célèbre dans le quartier de la porte Saint-Martin, et ses relations avec M. Schwartz étendaient désormais sa gloire jusqu’à la Madeleine.

Trois-Pattes était arrivé un jour, personne ne savait d’où, dans la cour du Plat-d’Étain, siège d’une entreprise de messageries qui, avant l’établissement des chemins de fer, desservait toute la banlieue de l’est. Il était descendu de son panier, traîné par un chien, et s’était rendu à pied, c’est-à-dire en rampant sur les mains et sur le ventre, au bureau. Là, il avait fait le nécessaire pour avoir le droit de s’installer dans la cour en qualité de facteur. Tout de suite après, manœuvrant ses mains, armées de palettes, et le reste de son corps, contenu dans une sorte de corbeille munie de roues, il avait pris position à l’endroit où s’arrêtent les voitures à l’arrivée.

Ses commencements avaient été difficiles. Il ne possédait, à vrai dire, aucune des qualités physiques du facteur, mais les qualités morales y suppléaient largement. À Paris, d’ailleurs, les choses bizarres font fortune, et tout manchot des deux bras qui peindra des tableaux d’histoire avec son pied obtiendra chez nous un joli succès d’estime.

Trois-Pattes, marchant avec ses jambes dans sa poche, comme disaient les plaisants du quartier, excita cet étonnement qui précède et prépare la vogue. Il avait installé sur son dos quatre crochets qui lui servaient de