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d’un indigent qui achetait tous les ans mille ou douze cents francs de rentes.

— Un mendiant de Lyon, madame, a doté récemment sa fille comme les nôtres ne le sont pas.

— Et vous connaissez l’histoire de cet aveugle qui avait cinquante mille écus dans sa paillasse ?

— Ce Trois-Pattes est un animal fort curieux !

— Où donc se cache M. le baron ? » fut-il demandé du fond du parterre.

Une fenêtre du premier étage s’ouvrit, et M. le baron répondit :

« Je suis à vous ; je termine une affaire.

— Avec Trois-Pattes ! » acheva-t-on à demi-voix dans les groupes.

Edmée Leber n’écoutait déjà plus ; la rêverie l’avait prise. Ses yeux, demi-fermés, s’abaissaient vers le tapis, sans le voir, et sa belle tête pensive s’appuyait sur sa main.

« Allons un peu visiter l’attelage de ce capitaliste d’un nouveau genre, » dit-on encore sous les croisées.

La réponse et les gaietés qui la suivirent s’étouffèrent au lointain.

L’arrivée du nouveau client avait fait sensation parmi les convives du château de Boisrenaud. L’argent n’a pas d’odeur ; cette haute vérité fût-elle oubliée du reste de la terre, on devrait la retrouver inscrite sur la porte de toute maison de banque bien tenue ; si Trois-Pattes était un homme d’argent, il avait naturellement droit à bon accueil : pas de doute à cet égard. Mais l’argent se reçoit à la caisse ; il suffit pour cela d’un commis ; sous quel prétexte Trois-Pattes et son grotesque équipage passaient-ils le seuil de la somptueuse villa en ce jour de repos, où le millionnaire n’accueillait que ses amis ?

Ceci était prétexte à gloser. Le règlement, au châ-