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Quand le regard d’Edmée tomba sur cette dernière toile, sa prunelle eut un éclair, et un peu de sang vint à ses joues. Elle se leva, malgré la fatigue extrême qui, tout à l’heure, l’avait jetée sur ce siège ; elle traversa d’un pas pénible toute la largeur du salon, et s’arrêta devant la cheminée. Le portrait semblait exercer sur elle une sorte de fascination. Était-ce le portrait ? Une partie du portrait, plutôt ; car son œil fixe concentrait tous ses rayons sur un point qui n’était pas même le visage, mais qui était auprès du visage. Mme la baronne Schwartz était posée de trois quarts ; elle portait un costume d’apparat. Un turban, jeté de côté, la coiffait, cachant une de ses oreilles, tandis que l’autre, blanche, fine et ornée d’un simple bouton de diamant, sortait des masses noires de son opulente chevelure. C’était l’oreille que regardait Edmée, moins que l’oreille encore, car l’oreille se voyait parfaitement, et la jeune fille, chose étrange dans son état de souffrance et de lassitude, monta sur une chaise pour examiner de plus près.

Pendant plusieurs minutes, elle examina attentivement. Tout son être se concentrait dans sa vue. Elle tremblait et changeait de couleur.

Un bruit de pas se fît ; elle redescendit précipitamment, et ses lèvres s’entrouvrirent pour laisser tomber ces mots :

« C’était bien elle ! »

Domergue entra, portant un plateau.

« Je vous ai fait attendre, ma chère demoiselle, commença-t-il.

— Donnez ! interrompit Edmée de cette voix sèche et sans vibration qui trahit la fièvre aussi sûrement que l’accélération du pouls.

— Comment vous trouvez-vous ? ajouta le valet pendant qu’elle buvait à longs traits.