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veraine des contours, non plus que dans la chère délicatesse des détails. Vous n’auriez pu voir sans être ému ces grands yeux humides, sous ce front couronné d’adorables cheveux blonds, ce nez fin aux arêtes précises, mais suaves, cette bouche, hélas ! sérieuse, mais où l’on devinait un trésor de sourires, — et pourtant ce n’était pas là Edmée. Ce qui frappait en elle et ce qui ravissait planait au-dessus de tout cela comme une âme, rayon, harmonie et parfum, une émanation presque divine, et que dire de plus : une âme de douceur et d’honneur.

Le salon était grand, somptueux et meublé à la romaine, selon une mode qui revient, mais qui était alors vaincue par la fantaisie des choses de la renaissance et du moyen âge. Le regard mouillé d’Edmée en fit le tour et s’arrêta un instant sur le piano.

Le piano lui parla, car elle murmura en souriant amèrement :

« Blanche épouse M. Lecoq ! »

Au-dessus du piano était un portrait de fillette : une brune, espiègle et rieuse.

« Cela est-il possible ! ajouta Edmée. Blanche, le cher petit cœur ! »

Des deux côtés de la cheminée étrusque, en marbre violet, ornée de mosaïques et chargée de curiosités pompéiennes, deux autres portraits pendaient, dont les cadres, d’une richesse extrême, écrasaient la peinture, bien qu’ils fussent signés par un des bons maîtres de la restauration. L’un représentait un homme de vingt-cinq ans, étroit d’épaules, petit, maigre, aux traits intelligents et pleins de volonté ; l’autre, une très jeune femme, presque aussi belle qu’Edmée, et qui, comme elle, avait son charme dans l’expression, plus encore que dans la parfaite régularité de ses traits.