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ébaucha un sourire, mais il ne lui parla pas en la dépassant.

La jeune fille le suivit d’un œil distrait et morne.

Trois-Pattes et son équipage étaient entrés déjà quand elle arriva devant la grille. Elle reprit haleine, et sa main mit à toucher le bouton une certaine hésitation.

« Comme vous voilà maigrie, mademoiselle Edmée ! dit une voix derrière elle. Parole d’honneur, je ne vous reconnaissais pas. »

La jeune fille se retourna vivement, comme si elle eût été prise en faute, et une nuance rosée vint à son pâle visage.

« Bonjour, Domergue, répliqua-t-elle. J’ai été un peu malade. Comment va-t-on au château ? »

Elle souriait, et il y avait je ne sais quoi qui faisait peine dans la charmante douceur de son sourire.

Nous connaissons Domergue, l’important valet qui ressemblait à un receveur de la Banque de France. Son entrevue avec notre ami Similor n’avait pas été, paraîtrait-il, de très longue durée, car il avait rejoint la jolie voyageuse en se promenant et sans presser le pas. Mais, en affaires, il ne faut point juger la gravité d’une entrevue par sa durée.

Cette fois, Domergue ôta sa casquette et sa figure austère se radoucit notablement. À le regarder mieux, il avait l’air du plus brave homme du monde. Seulement, il savait garder son rang. Il s’agissait ici d’une femme, et personne n’ignore que la galanterie ne fit jamais déroger un haut personnage.

« Un peu malade ! répéta-t-il. Tout le monde va assez bien chez nous, merci, malgré les démolitions et le tremblement. Vous êtes pâle comme un linge, parole d’honneur !… Un peu malade !… Il y a du nouveau, ici, vous savez ?