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M. Lecoq regagna la route, et piqua vers Caen d’un pas pesant. Il était neuf heures et demie.

À dix heures moins quelques minutes, un homme sortit tout à coup de la boutique d’un marchand de curiosités, située sur cette place des Acacias, au quartier Saint-Martin, où demeurait le commissaire de police Schwartz. Cet homme portait une blouse de paysan et un bonnet de laine rousse. Sa marche ne faisait point de bruit, parce qu’il était chaussé de lisière.

Il traversa la place rapidement et prit sous un banc une paire de gros souliers ferrés.

Comme dix heures sonnaient, le même homme, chaussé en pataud et faisant sonner contre le pavé les gros clous de ses galoches, arriva sur la place de la Préfecture, où la musique des frères Franconi hurlait ses dernières notes. La représentation s’achevait. Le pataud qui avait un pantalon de cotonnade bleue usée aux genoux, une blouse grise et son bonnet de laine, s’assit sur une borne, au coin de l’église. Le commissaire de police Schwartz sortit du cirque un des premiers et se dirigea tout de suite vers le quartier Saint-Martin. Le pataud le suivit à distance.

À moitié chemin de chez lui, dans la rue Guillaume-le-Conquérant, le commissaire de police fut accosté timidement par un pauvre garçon qui sembla l’implorer. Le pataud pressa le pas. Le commissaire de police répondit au pauvre hère d’un ton d’impatience et de dureté :

« On ne vient pas dans une ville ainsi, sans savoir ! Je ne peux rien pour vous. »

Aussitôt J.-B. Schwartz, avec plus d’aplomb qu’on n’en aurait pu attendre de ses récentes perplexités, plaça la leçon apprise. Il parla de M. Lecoq, son pro-