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verbe. Aux choses comme aux hommes, il faut laisser leur costume, et l’histoire de l’art cite des monuments, embellis à grands frais qui, de chefs-d’œuvre incomplets qu’ils étaient, sont devenus complètes platitudes.

Nous dirons tout de suite que le vieux château de Boisrenaud n’a point subi un si malheureux sort : on l’a tout simplement démoli pour construire, en son lieu et place, une très belle maison moderne. Le baron Schwartz était un esprit net et tranchant qui ne faisait pas les choses à demi.

En ce temps-là, quand on arrivait le long du canal, et qu’après avoir dépassé le dernier feston des futaies, la plaine cultivée se déployait aux regards, la première chose qui les frappait, la seule, c’était ce petit castel aux profils mutins et cavaliers, avec ses six tourelles coiffées à la mauvais et ses trois corps de logis disparates dont l’un parlait du moyen âge, tandis que les deux autres semblaient raconter quelque anecdote batailleuse et galante de la Fronde. Le parc s’étendait en éventail derrière le manoir et confinait partout à la forêt, dont il n’était séparé que par un large saut de loup. L’avenue qui conduisait du château à Vaujours était un rideau de peupliers deux ou trois fois séculaires, dont chaque branche valait un arbre de cinquante ans ; on se souvient encore dans le pays de ce gigantesque mur de verdure et des chênes énormes qui ombrageaient l’allée tournante, menant à Montfermeil par les hauteurs de Clichy-en-l’Aunois.

Le baron Schwartz, un jour de baisse, avait acheté tout cela très bon marché, sans le visiter en détail et dans un but de pure spéculation. Quand il y vint pour aviser aux moyens d’en tirer parti, le site s’empara de lui du premier coup. Ce n’était pas un homme dépourvu de goût, tant s’en fallait, et, à sa manière, il avait de