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main, il étouffait Saladin et tamponnait la sueur de son front avec son autre manche.

« Ce n’est pas toujours pour c’te jeunesse qu’il court, murmura-t-il. C’est pour un tas de manigances qui lui feront son malheur !… Mais, minute ! nous sommes là, pas vrai, petiot ? On va savoir enfin de quoi il retourne ! »

Sur ce chemin de halage, où Similor sautillait dans ses chaussons de lisière, évitant avec une gracieuse adresse les moindres vestiges de la récente ondée, un homme grave allait à pas comptés, regardant couler l’eau philosophiquement et faisant tourner entre ses doigts, comme un marquis de la Comédie-Française, une tabatière d’argent niellé. Ce geste était d’une perfection si rare que vous eussiez cherché la maline traditionnelle à son jabot et le claque sous son aisselle. Mais ce n’était pas un marquis, à moins que le malheur des temps ne l’eût fait considérablement déchoir. Au lieu du frac en drap de soie, il portait en effet un habit gris de fer, coupé carrément et orné de boutons blancs ; M. Schwartz, le puissant financier, qui était roi dans ces campagnes, avait choisi pour ses valets cette solide livrée rappelant l’uniforme des garçons de la Banque de France.

Ce n’était qu’un valet, bien qu’il eût coutume de parler, la casquette sur la tête, aux autorités décoiffées de Sevran, de Livry et de Vaujours.

Similor marcha droit à lui et l’aborda, chapeau bas ; d’un ton timide et doux, il lui demanda :

« C’est-il bien à M. Domergue que j’ai l’avantage de vous adresser la parole ? »

M. Domergue ne répondit pas plus que ce malhonnête Patu, capitaine de l’Aigle de Meaux no 2 ; mais s’il est une dignité respectée par Similor et ses pareils,