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épaisse couche de rouge, et la sueur inonda ses tempes, mais il allait toujours, regardant le bateau par-dessus les broussailles et murmurant malgré lui le nom de Similor.

Au bout de quatre ou cinq cents pas cependant, l’objet, secoué outre mesure, s’éveilla et se mit à crier comme un jeune aigle. Qu’il fût ou non de carton, il avait une voix magnifique. Échalot lui fit des remontrances avec douceur :

« Taisez son petit bec à Bibi, lui dit-il sans ralentir le pas ; je vas te le boucher, Saladin, si tu continues ! Nous allons à papa, tu vois bien, failli merle ! »

Saladin n’en criait que mieux.

On meurt de ces courses désespérées, témoin le soldat de Léonidas qui apporta aux Spartiates la première nouvelle du combat des Thermopyles. Heureusement pour cet héroïque et tendre Échalot, l’allure des chevaux se ralentit subitement, comme on dépassait l’angle d’une futaie de chênes pour entrer dans la grande plaine qui forme clairière entre Sevran et la route d’Allemagne. Au milieu d’un paysage admirable, le château de Boisrenaud se montrait : on arrivait au débarcadère du baron Schwartz.

Échalot retourna son paquet et mit la main sans façon sur le bec de Saladin.

Trois personnes descendirent du bateau ; d’abord M. Cotentin de la Lourdeville qui prit, en faisant grincer ses souliers, l’avenue sablée conduisant au château, ensuite la jeune fille au voile noir qui suivit plus lentement la même direction, enfin Similor, léger comme une plume, qui, après avoir adressé un salut courtois à son adversaire, remonta le chemin de halage sur la pointe du pied. Échalot, caché derrière un buisson, soufflait comme un phoque en le contemplant ; d’une