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C’était une manière de panier, posé sur deux roues de brouette et traîné par un vieux chien de boucher.

L’automédon de ce char était un bonhomme à barbe fauve, dont le costume ressemblait à celui des commissionnaires.

En un clin d’œil, tous les passagers furent à la balustrade regardant et répétant :

« Trois-Pattes ! Voilà Trois-Pattes et son carrosse !

— Trois-Pattes, l’estropié de la cour du Plat-d’Étain !

— C’est dimanche : il va dîner chez son banquier.

— C’est dimanche ; il va souper chez sa belle.

— Le baron Schwartz…

— La comtesse Corona…

— Bonjour, Trois-Pattes !

— Hue ! mendiant ! »

Ainsi s’exprimaient les marchandes de légumes de Sevran et la jeunesse dorée du Vert-Galant. Similor seul, il faut le dire à sa louange, souleva son vieux chapeau gris et dit avec courtoisie :

« Salut à vous, monsieur Mathieu ! »

M. Mathieu ou Trois-Pattes, comme on voudra l’appeler, ne tourna même pas la tête.

Seulement, quand le bateau l’eut dépassé, son regard moqueur enfila le pont. La vue de la belle jeune fille qui rêvait tristement adoucit l’expression de ses traits et le fit sourire.