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taxé d’exagération. Y êtes-vous ? Quatre mille francs le deuxième mois, n’est-ce pas ? huit mille francs le troisième, seize mille francs le quatrième, trente-deux mille francs le cinquième, soixante-quatre mille francs le sixième, cent vingt-huit mille francs le septième, deux cent cinquante-six mille francs le huitième, cinq cent douze mille francs le neuvième… Je vous fais observer que nous avons déjà dépassé le but. »

Le natif voulut protester.

« Permettez ! s’écria Cotentin de la Lourdeville. Au quinzième mois, en suivant cette progression géométrique, nous obtenons trente-deux millions sept cent soixante-huit mille francs, ce qui est un agréable résultat. Je prévois vos objections ; je fais plus, je les approuve. Il y a les mécomptes… Ça et ça… En outre, arrivé à un certain chiffre, on trouve difficilement dans l’enceinte des Halles deux ou trois millions de marchandes des quatre saisons qui vous empruntent cinq francs par semaine. Tel est l’écueil. Aussi, après quinze mois, M. Schwartz, quand il se maria, n’avait encore que quatre cent mille francs, c’est-à-dire la quatre-vingt-deuxième partie de ce qu’il aurait dû avoir en suivant le principe dans sa rigueur. Et encore, bien des gens l’accusèrent d’avoir trouvé, pour parfaire la somme, quelque objet qui n’était point perdu… »

Pendant que la galerie riait ou s’étonnait, Similor avait suivi avidement ces calculs aussi exacts qu’avantageux. Depuis bien longtemps, il cherchait un moyen de se baigner dans l’or. Il allait aborder poliment M. Cotentin de la Lourdeville, pour lui demander où l’on se procurait les premiers mille francs, lorsqu’un singulier attelage, qui longeait, en trottinant, les bords du canal, attira tout à coup l’attention des passagers.