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M. Cotentin de la Lourdeville fit un pas et ses souliers vagirent. La galerie attentive l’entoura.

« Pour faire fortune à Paris, reprit-il, il faut ça et ça… et puis ça. En 1825, je me souviens de cette date, parce que je plaidais l’affaire Maynotte à la même époque, et je l’aurais gagnée haut la main, sans l’accusé qui était un nigaud première qualité, en 1825, M. Schwartz arriva à Paris avec mille francs. Connaissez-vous les Halles ? Je suppose bien que vous connaissez les Halles : ceci est purement une forme oratoire. M. Schwartz avait son idée. Dans la rue de la Ferronnerie, il loua une chambre au prix de quatre-vingts francs l’an, suivez bien. Il y avait aux Halles un vieux Schwartz qui donnait des leçons de petite semaine. Notre Schwartz à nous prit pour cent sous de leçons.

« Quelle spéculation, messieurs, si on la connaissait bien ! Mais il faut tenir dur et veiller au grain ! Cinq francs prêtés le lundi, six francs rendus le dimanche. Voilà l’élément. Il est joli. M. Schwartz, sortant des mains du vieux Schwartz, fit un bureau dans sa mansarde. Ici, appelons le calcul à notre aide. Ses mille francs, prêtés jusqu’au dernier sou, produisirent, au taux légal de la petite semaine, mille deux cents francs ronds le premier dimanche ; le second dimanche, ses mille deux cents francs lui rapportèrent mille quatre cent quarante francs ; le troisième, il eut mille sept cent vingt-huit francs ; le quatrième, deux mille soixante-treize francs cinquante centimes… Admettez-vous cela ? Oui. On ne va pas contre les chiffres. Négligeons, si vous voulez, les soixante-treize francs cinquante centimes pour les frais, non-valeurs, etc. Le principe reste celui-ci : capital doublé en vingt-huit jours. Eh bien ! accordons le mois rond, pour désarmer toute objection… j’aime mieux concéder ça et ça que d’être