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vait vu aussi parfois retenir des places à la queue des théâtres et guetter les Anglais dans la cour des diligences pour leur apprendre le chemin des lieux suspects. Peu à peu, cependant, il s’était retiré de cette existence laborieuse. Le mystère se faisait autour de lui. Il travaillait encore, mais à quoi ? Encore un secret !

Secret profond, même pour Échalot !

Tel était le nom de l’ami fidèle et dévoué qui lui donnait présentement asile, car Similor avait vendu son lit pour briller. Ses mœurs n’étaient pas pures ; il prodiguait follement ses ressources.

Échalot, son Pylade, nature plus solide, avait au moins une position sociale ; il tenait une agence générale, à son sixième étage du carré Saint-Martin et faisait, mais en vain, tous ses efforts pour être honnête.

Depuis quelques jours, Échalot nourrissait des soupçons contre Similor. Gelui-ci faisait de longues absences et laissait Saladin à la garde de son ami. Ultérieurement nous saurons ce que c’était que Saladin. Quand on interrogeait ce Similor, ses réponses, habilement évasives, laissaient entendre que d’immenses intérêts dépendaient de sa discrétion :

« J’en mange ! » disait-il avec une emphase qui redoublait la fièvre curieuse d’Échalot.

Et quand on le pressait, il ajoutait mystérieusement :

« J’ai levé la main que je me couperais la langue ! »

Au milieu d’un groupe de passagers, petits négociants de Meaux et campagnards des villages situés sur la route, un personnage fort bien couvert tenait le dé de la conversation, dont le château de Boisrenaud, nommé à l’improviste, faisait justement les frais. Ce personnage, petit, mais doué d’une figure majestueuse qu’embellissait encore une paire de lunettes d’or, parlait avec l’heureuse abondance qui s’acquiert au Palais, prenait