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Ces simples paroles produisirent sur M. Similor un effet qui tenait du prodige. Il pâlit, puis le sang vint à ses joues ; un étonnement mêlé d’effroi remplaça l’expression provocante de son visage ; ses yeux, ornés de cils incolores, se prirent à battre comme si un coup de soleil les eût frappés. Il voulut parler, mais il ne put ; il essaya de marcher pour rejoindre le capitaine qui s’éloignait, ses chaussons de lisière étaient rivés au plancher du pont. C’était un homme foudroyé.

Tout le monde a pu lire des histoires intéressantes où il y a de ces mots qui sont des talismans. De grandes révolutions se sont faites à l’aide de certaines paroles cabalistiques, servant de signes de ralliement à des conjurés inconnus les uns aux autres. Ce sont des moyens très vieux, mais les conspirateurs de notre ère n’ont point usé leur intelligence à inventer des mécaniques nouvelles. Dans le siècle du télégraphe électrique, dès qu’on veut faire une grande cachotterie, on reprend imperturbablement l’antique scénario des mystères d’Isis qui, malgré le progrès de l’esprit humain, est resté le meilleur programme des nocturnes confréries.

C’était un mot ou plutôt c’étaient quatre mots qui avaient fait pâlir et rougir M. Similor : Il fera jour demain. Chez nous, en tous temps, on conspire plus ou moins ; en 1842, on conspirait beaucoup, et le dernier mois de mai avait même vu des barricades. Ces quatre mots, on ne doit pas le dissimuler, avaient la physionomie voulue et ressemblaient assez à ces formules, insignifiantes en apparence, mais terribles au fond, qui sonnent plus haut qu’un tocsin à des heures funestes.

M. Similor, sous ses haillons, le capitaine Patu, sous sa livrée, n’avaient pas l’air d’être des hommes politiques ; mais en ces matières, peut-on se fier aux apparences ? Leur style lui-même ne prouvait rien : six