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de sa cheminée. Tel se présentait le décor : à droite, la tristesse morne des coteaux calcaires de Noisy ; à gauche, l’avenue d’Aubervilliers, le Bourget tout nu dans son champ de légumes, et entre deux, à perte de vue, la ligne sombre de la forêt de Bondy qui fermait l’horizon.

C’était le dernier dimanche du mois de septembre, en l’année 1842. Il faisait chaud, mais les deux berges du canal de l’Ourcq, mouillées par une récente averse, brillaient aux rayons obliques du soleil et semblaient chargées de paillettes. Le vent du nord-ouest emportait vers les hauteurs de Romainville les perfides parfums de Pantin, et à la station de Bondy où nous touchons, sans avoir encore le grand bon air de la vraie campagne, on ne subissait déjà plus qu’à moitié l’influence délétère de Paris.

J’ai dit la station de Bondy, non qu’il y eût alors un chemin de fer dans ces parages, mais parce que, du bassin de La Villette à Meaux, le service des bateaux-poste venait d’être organisé, excitant une joie folle et des espérances exagérées sur les deux rives de l’Ourcq, qui aspirait sérieusement à devenir un fleuve. Entre toutes les idées industrielles que nous avons vues fleurir et se faner depuis quelque vingt ans, celle-ci était une des plus charmantes ; elle vint seulement un peu trop tard, et la terrible concurrence de la vapeur l’étrangla dès son jeune âge : c’est pourquoi l’Ourcq est resté un cours d’eau moins considérable que le Danube.

Six heures du soir sonnaient au lourd clocher de Bondy ; l’Aigle de Meaux no 2, filait entre deux plates-bandes de gazon, à cinquante pas de son fougueux attelage. Il y avait des curieux sur les rives pour le regarder passer, mais son pont, hélas ! était presque désert. Le capitaine, revêtu pourtant d’un galant uni-