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Louvois était alors encombrée de matériaux, destinés au monument expiatoire du duc de Berry. Les jambes d’André faiblissaient ; il s’assit sur une pierre de taille, en face du logis de J.-B. Schwartz.

Et il attendit. L’idée de tuer n’était pas en lui, nous pouvons l’affirmer, et cependant c’était par un machinal instinct de vengeance qu’il avait acheté le couteau.

Il avait quitté la maison de la rue Thérèse pour prendre la diligence de Caen, départ du soir, mais il ne songeait plus à cela.

Il attendait. Une douleur sourde, profonde, immense, lui engourdissait le cœur.

Il savait à quel étage les Schwartz demeuraient. Ses yeux restaient cloués sur les fenêtres du second où nulle lumière ne brillait.

Les Schwartz ! Cela faisait un tout : l’homme et la femme. On disait autrefois : les Maynotte…

En vérité, il n’est pas besoin que l’idée de tuer se formule explicitement. Cette sombre fièvre ne prémédite pas, elle frappe, soit que son acte s’appelle le meurtre, soit qu’il ait nom le suicide.

Il faisait beau. Vers minuit, un homme et une femme tournèrent l’angle de la rue Richelieu. Ils étaient jeunes tous deux et avaient cette élégance qui, d’ordinaire, ne va pas à pied, la nuit, dans Paris.

Le cœur d’André lui fit mal. Il serra le manche de son couteau-poignard.

La jeune femme parla. André lâcha le couteau pour joindre ses deux mains frémissantes.

Il voulut se lever, mais il était de pierre.

Le couple passa sans voir André. Julie causait comme autrefois le soir, quand ils traversaient la place des Acacias, tous deux aussi, elle et André, les époux