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Sa tête s’inclina sur sa poitrine. Autour de son front et dans ses yeux il y avait des pensées au-dessus de son âge, mais sa parole était d’un enfant.

Involontairement, les deux spectateurs de cette scène suivaient sur son visage la marche de ses impressions.

« Il était tout jeune, reprit-elle. Je trouve qu’il était bien beau. »

Là-dedans, aucun symptôme de sensibilité ne se montrait. C’était purement une opinion exprimée.

Et, pourtant, le caractère de sa physionomie changeait. Son regard, moins mutin, trahissait de vagues rêveries.

« Oui, oui, dit le colonel ; le pauvre diable était assez joli garçon. »

Elle se tourna vers lui, puis elle poursuivit son examen.

« Sortons, insinua M. Lecoq.

— Pas encore, fit-elle. Je ne me figurais pas que la mort était comme cela.

— Quel raisonnement pour son âge ! admira le grand-père.

— Il y a des cheveux blancs parmi ses cheveux noirs, reprit la fillette avec étonnement. Est-ce que les jeunes gens ont des cheveux blancs quelquefois ?

— Quand ils ont éprouvé beaucoup de chagrin…. commença le colonel.

— Ah ! s’écria-t-elle en relevant la tête avec une soudaine colère, on lui a donc fait beaucoup de chagrin ?

— Allons ! trésor, allons ! ordonna le vieillard. Tu l’as regardé assez.

— Non, répliqua fermement Fanchette. J’ai ouï dire qu’on mourait de chagrin.

— Qu’est-ce que cela te fait ? » voulut objecter M. Lecoq dont la mauvaise humeur augmentait.