Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je le veux ! » l’interrompit-elle.

Et sa petite taille se redressa si raide que le grand-père eut un sourire d’orgueil.

« Quel démon ! répéta-t-il.

— Range-toi ! » ordonna pour la seconde fois Mlle Fanchette.

Comme Lecoq n’obéissait pas assez vite, les yeux de l’enfant brûlèrent, et sa voix trembla pendant qu’elle disait :

« Grand-père est le maître, et tu n’es qu’un valet, toi, L’Amitié. Range-toi ! »

En même temps, elle l’écarta d’un geste de reine et passa.

Lecoq fit un mouvement pour la retenir, mais le colonel joignit les mains, disant avec la naïve admiration des grands papas :

« Où nous mènera-t-elle ? Ah ! quel démon ! quel démon ! »

La fillette était déjà en contemplation devant le mort.

Au premier aspect, on eût pu croire que la vue du mort éveillait en elle un souvenir. Elle le considéra longtemps en silence, mais sans autre émotion apparente que la surprise.

« C’est drôle ! » dit-elle enfin.

Puis expliquant aussitôt sa pensée :

« Ça ressemble à ceux qui dorment.

— As-tu fini, Manchette ? demanda le colonel.

— Non, répondit-elle. Explique-moi : celui-là ne dort donc pas ?

— Si fait, chérie, repartit le vieillard dont la voix était grave malgré lui ; seulement, il ne s’éveillera plus jamais.

— Ah ! fit-elle. Plus jamais ! »