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« Combien de temps lui donnez-vous ? » demanda encore M. Lecoq.

Le vieillard consulta une montre épaisse qui devait dater du règne de Louis XVI.

« Le docteur est venu ce matin à la maison, dit-il avec lenteur ; et il met du temps à guérir mon asthme, le cher homme ! En sortant de chez moi, il a pris la poste pour Fontainebleau, où M. de Villèle l’a fait appeler pour sa coqueluche… Tu vas aller chez lui, L’Amitié ; tu le demanderas, tu feras du bruit, tu feras même du scandale. Tu l’attendras jusqu’à son retour ; à son retour, tu l’amèneras à bride abattue…

— Il sera trop tard ? murmura M. Lecoq, qui perdait un peu de ses belles couleurs.

— Hélas, oui ! répondit paisiblement le colonel. Allons-nous-en.

— Mais, objecta M. Lecoq, il faudra constater le décès.

— Puisque tu auras le docteur.

— Mais l’état civil ? »

Le colonel eut un sourire content.

« Quand je ne serai plus là, mes pauvres enfants, comment ferez-vous ? dit-il. Vous passez votre vie à vous noyer dans des crachats. Te voilà bien embarrassé, hein, L’Amitié ? Console-toi ; je me charge encore une fois de tout : ce sera ma dernière affaire. »

Ainsi fut décidé le sort d’André Maynotte.

Ils s’éloignaient du lit, le colonel appuyé au bras de M. Lecoq, quand celui-ci s’arrêta, tout blême, et dit :

« Écoutez ! »

Une chaise venait de tomber avec bruit sur le carreau de l’antichambre.

La longue paupière du colonel vibra ; son œil morne