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Il fut répondu :

« Je porte la visière de grand-papa. »

En effet, le tourbillon rieur et tapageur courait après le colonel en agitant un vaste abat-jour de soie verte.

Mais, au détour de la rue Thérèse, le tourbillon s’arrêta.

Il est certain qu’un abat-jour, un parapluie et des socques ajoutent au respect qui se doit à la vieillesse. Le colonel était connu dans le quartier. Les gens de boutique le saluaient au passage.

Mlle Fanchette avait pris un air grave et suivait de loin, les yeux baissés.

Aux regards interrogateurs des boutiquiers, elle répondait modestement :

« Je porte l’abat-jour de grand-papa. »

La chambre de M. Lecoq était telle qu’il l’avait laissée ; il avait emporté sa clé. Une seconde demi-heure s’était écoulée. André Maynotte, étendu sur le lit n’avait pas bougé.

Le colonel lui tâta le pouls.

« Beau mâle ! murmura-t-il. Le jour où je lui vendis le brassard dans un lot de ferraille, il me dit : « Avec deux semaines de travail, j’en tirerai mille écus… » Pauvre diable ! »

Il lâcha le bras d’André qui retomba comme une chose morte, et dit avec un sourire de vieil enfant :

« C’était stylé, cette affaire du brassard !… montée de longueur… et bien attachée, hein, L’Amitié ?

— On n’en fait plus comme vous, patron, » répondit M. Lecoq avec conviction.

Puis, prenant le bras d’André à son tour :

« Pensez-vous qu’il en revienne ?

— Pas tout seul, » repartit le colonel froidement.

Il y eut un silence.