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périeurs dans la hiérarchie du commerce parisien : M. Lecoq, haut employé de la maison Berthier et Cie qui a fourni la caisse à secret de l’honorable M. Bancelle… » Tu saisis, hé ? Ce ne sont pas des mots en l’air : il y en a pour cent francs, à prendre ou à laisser… « Mais, » poursuivras-tu, « ce jeune représentant a quitté, ce soir même, l’hôtel du Coq hardi, sa demeure, et s’est mis en route pour Alençon dans son équipage… » Tout le reste est pour arriver à prononcer ces derniers mots-là ; répète. »

J.-B. Schwartz répéta, puis il demanda :

« Où coucherai-je ?

— Où auriez-vous couché, si vous ne m’aviez pas rencontré, Jean-Baptiste ? Ne nous noyons pas dans les détails. Quand le digne magistrat vous aura prié de passer votre chemin, tout sera dit : vous aurez gagné la somme et des droits à ma reconnaissance éternelle. »

Le jeune Alsacien réfléchissait. Sa pensée, un peu confuse, ne voyait absolument rien de compromettant dans la démarche insignifiante qu’on lui demandait. Ce qui l’inquiétait, c’était la grandeur de la récompense promise à un si faible travail.

M. Lecoq se leva et jeta sa serviette. Huit heures sonnaient.

« J’ai dit, déclama-t-il. Maintenant, l’amour m’appelle.

— Si je savais, murmura J.-B. Schwartz, qu’il n’y a rien autre chose que de l’amour là-dessous !

— Je suppose, bonhomme, fit sévèrement le commis-voyageur, que vous ne suspectez ni mon honneur ni mes opinions politiques ! »

J.-B. Schwartz n’avait pas songé aux opinions politiques de M. Lecoq. La nuit porte conseil, surtout quand on la passe à la belle étoile. Il eût donné beaucoup pour avoir sa nuit devant lui.