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Un valet, moisi vénérablement, dont la tournure était presque monacale, lui fit un accueil grave et lui dit :

« Le colonel déjeune, monsieur Toulonnais. »

Le père à tous était un colonel.

M. Lecoq monta.

Dans cette maison, il n’y avait aucun bruit. L’air y flairait énergiquement le renfermé. Sur le palier du premier étage, un petit corridor s’ouvrait qui conduisait au maître-escalier, large et noblement balustré de fer. M. Lecoq prit le petit corridor. Le valet, qui ressemblait à un frère convers, ne l’avait point suivi. Dans la vaste et belle cage du grand escalier, désert du haut en bas, la saveur de solitude devenait si forte qu’on eût dit un logis abandonné depuis cent ans.

M. Lecoq, ayant traversé le palier, losange de blanc et de noir, prenait le bouton de la seule porte qui fût pourvue d’une natte, lorsqu’un projectile d’espèce bizarre, partant de l’étage supérieur, décrivit une savante parabole et vint écraser son chapeau qui vola du coup à quatre pas. En même temps, un éclat de rire strident et court trancha le silence.

« Fanchette ! Enragé lutin ! gronda M. Lecoq en colère, vous me payerez cela ! »

Un second éclat de rire fit explosion. Une tête d’enfant, pâle et terriblement intelligente, apparut au travers des paraphes de fer forgé, dans un cadre énorme de cheveux noirs.

« Je me moque de toi, L’Amitié, dit une voix claire, piquante comme la pointe d’un canif ; grand-papa te renverra, si tu m’ennuies ! »

Le projectile était un gros vilain bouquet de fleurs passées, alourdi par l’eau qui le saturait. M. Lecoq avait peur de l’enfant, car il lui envoya un baiser.