Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce M. Lecoq avait des côtés artistes ; on rencontrait chez lui une grande variété de pipes et beaucoup de poussière. S’il possédait le médicament spécial pour les syncopes de son prétendu cousin, il est vrai de dire qu’il ne se hâtait point d’en user.

Un soin plus pressant l’occupait. Il faisait l’inventaire des poches d’André : pauvre inventaire ! André ne possédait au monde que le passeport au nom d’Antoine et une vieille bourse, contenant trois pièces d’or.

M. Lecoq ne cherchait peut-être pas autre chose. À la vue du passeport, il eut un sourire pensif et tomba dans une profonde rêverie. Cuvier devait sourire ainsi quand il reconstruisait tout un squelette antédiluvien à l’aide de quelques bribes d’ossements pétrifiés.

Pendant dix bonnes minutes, M. Lecoq réfléchit, puis il prit son chapeau et sortit, pensant tout haut :

« Il faut consulter le père à tous ! »

André avait l’air d’un mort sur son lit. Le père à tous, cependant, était-il un médecin ?

Tant mieux, si le père à tous était un médecin, car la syncope d’André durait déjà depuis une longue demi-heure.

M. Lecoq, marchant d’un bon pas, comme un gaillard bien portant qu’il était, mais sans courir, atteignit un fort beau logis de la rue Thérèse qui avait physionomie d’hôtel. La rue Thérèse est un petit morceau de faubourg Saint-Germain, enclavé dans ce quartier hybride, si riche et si pauvre, qu’on nomme la Butte-des-Moulins. M. Lecoq entra en habitué dans cette maison admirablement propre et bien tenue ; il n’obéit point à l’écriteau qui criait : Parlez au concierge ; il laissa sur sa droite un perron triste, montant à une porte close, et entra par une sorte de poterne bourgeoise, accédant à l’escalier de service.