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corde devant les pendus. Quand la dent du malheur a mordu profondément un homme, il est une foule de mots, d’alliances de mots, de noms, de dates, de chiffres, qui sont pour lui ce qu’est la corde au pendu du proverbe.

Les Schwartz pullulent, et vingt fois par heure le chiffre quatre cent mille peut revenir dans l’entretien de deux financiers. Néanmoins, André s’arrêta pour regarder son voisin de droite et son voisin de gauche. Le nom le frappait deux fois, le chiffre faisait renaître une heure d’angoisse ; le nom et le chiffre réunis, supprimant Paris et les jours écoulés, le ramenaient à Caen et recommençaient son martyre.

Le voisin de droite lui était inconnu aussi bien que le voisin de gauche. Comme il restait tout ébranlé, un troisième assistant dit derrière lui :

« L’Alsacien en tenait ! Si la belle Giovanna l’avait refusé, il se serait fait sauter la cervelle ! »

Un nuage passa devant les yeux d’André.

Julie aussi avait nom Giovanna. Quelqu’un avait dit tout à l’heure : « Une demoiselle en a et en i. » Le vrai nom de Julie, sa femme, qu’elle avait dû reprendre sur sa propre injonction, était Giovanna-Maria Reni.

Peut-on dire que ce fut une crainte ou un soupçon ? Quelle apparence ? André eut un rire d’enfant à qui l’on fait un conte impossible.

Et pourtant il tourna les yeux vers la nef, pris, pour la première fois, par l’envie de voir. Entre lui et l’autel où s’agenouillaient les mariés, un large pilier s’interposait.

Schwartz ! quatre cent mille francs ! La somme exacte renfermée dans la caisse de M. Bancelle !

« Écoutez ! disait-on dans la cohue, écoutez ! »

Un silence se fît, en effet, parce que le suisse parais-