Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les précautions qu’il prenait étaient tout à fait superflues, car André n’était plus de ce monde et ne se rendait aucun compte de ce qui se passait autour de lui. La lutte qui avait lieu dans son cœur ne pouvait être incertaine ; sa haine était robuste et tenace, parce qu’il s’y mêlait une juste volonté de châtiment ; mais son amour était son être tout entier : son amour devait vaincre.

Noyé qu’il était dans ce rêve extatique qui n’était pas le sommeil, et d’où cependant la froide raison humaine semblait exclue, il revint tout à coup à la pensée de sa présence à Paris, sans que les objets extérieurs fussent pour rien dans ce réveil. Le but de son voyage, Julie, l’appela et chassa ses dernières incertitudes. Il joignit les mains dans une passionnée ferveur et dit à Dieu :

« J’oublierai celui qui m’a fait tant de mal. Je ne chercherai ni à savoir son nom ni à connaître son visage. Je ne me vengerai pas. Je promets cela et je le jure, afin de retrouver ma Julie, afin qu’elle m’aime toujours et que nous soyons heureux ! »

Il se releva, le cœur plein d’un calme extraordinaire. Que le fait semble ou non puéril, le pacte était conclu. Toutes les inquiétudes, toutes les angoisses qui avaient agité André pendant son voyage et depuis son arrivée à Paris disparaissaient. Littéralement, il venait d’acheter son bonheur.

Et, sa nature étant donnée, il avait payé un haut prix.

En se retournant, après avoir fait le signe de la croix, il vit l’heure, au cadran de la grand’porte, à travers les colonnes du maître-autel. L’horloge marquait midi et demi. Il s’étonna du long espace de temps écoulé et n’eut plus d’autre désir que de quitter l’église pour se rendre enfin à la maison de Julie.