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les chaises. M. Lecoq ne put glisser qu’un coup d’œil au travers de la cohue. Ce fut assez, car sa prunelle brilla et ses lèvres eurent un singulier sourire.

L’orgue chantait. C’était une noce : une noce riche.

Paris, le vieil enfant, a beau être la capitale du monde intelligent, il garde toute la curiosité du village.

Paris veut voir la mariée ; Paris qu’on dit si chargé de besogne ! Il cesse de s’occuper des destinées de l’univers dès qu’un chien habillé passe dans la rue, et, si attachant que soit ce spectacle, il détournera les yeux de la girouette révolutionnaire, si vous lui montrez une charretée de singes.

Pour voir la duchesse ou la banquière entrer au bal, Paris bravera la fluxion de poitrine ; pour contempler la mariée, il grimpera sur les chaises de l’église. Au fond, pourquoi pas ? Il ne veut pas de mal au bon Dieu.

Dès que la noce fut placée, les deux haies se replièrent le long des bas-côtés, afin de regarder mieux. M. Lecoq, qu’il ne nous est pas permis de confondre avec les simples badauds, ne changea point de place et garda son sourire gaillard. Un instant, il resta immobile, les mains croisées derrière le dos, et sa large bouche ébaucha un bâillement ; mais, à cet instant même, ses yeux, tournés par hasard vers la chapelle de la Vierge, qui était vide, tombèrent sur André, agenouillé devant l’autel. Il tressaillit ; le rouge lui monta au visage, et, d’un mouvement instinctif, il fit deux pas pour se mettre à l’abri d’un pilier.

De là, il glissa vers André un second regard cauteleux et rapide. Sa joue changea une seconde fois de couleur.

« De par tous les diables ! murmura-t-il avec un étonnement profond, c’est lui ! c’est bien lui ! Voilà une aventure ! »