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notte… et si vous avez de l’argent de trop, on dit que la veuve et les enfants de M. Bancelle demandent la charité, à l’heure qu’il est, dans Paris. »

André s’éloigna lentement, et la bonne femme se remit à piocher ses pommes de terre. En travaillant, elle pensait :

« Non, non, je n’aurais pas cru cela de lui dans le temps… Et tout de même il est devenu à rien !… Et si pâle !… Tout comme elle !… Bien mal acquis ne profite pas, c’est sûr… J’aime mieux qu’il ne revienne pas… ni elle non plus… quoique l’enfant n’est pas cause. »

Le brigadier et son gendarme étaient partis à la recherche de l’incendier des meules à Poisson. André trouva le livre d’heures sur la fenêtre. Il le prit sous prétexte de montrer l’image du commencement au petit. À la première page, il y avait rue de la Sourdière, à la dernière se lisait no 21.

André cacha une larme pendant qu’il embrassait le petit et partit, sa balle sur le dos.

À deux jours de là, vers dix heures du matin, à Paris, André, plus pâle encore et marchant avec peine, sortait de la cour des messageries et demandait la rue de la Sourdière au commissionnaire du coin.

C’était une belle journée de la fin de l’été. Paris vaquait à ses affaires matinales et semblait une ruche en travail. Étourdi, au milieu de ce mouvement inconnu, André allait le long de la rue Saint-Honoré, suivant les indications de l’Auvergnat ; il dépassa l’église Saint-Roch, dont le cadran bleu marquait dix heures et demie ; à l’angle d’une voie droite, étroite, solitaire, triste, il lut cet écriteau : Rue de la Sourdière.

Il s’arrêta. Une main d’acier lui serrait le cœur.