Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vers six heures, quelques rares passants commencèrent à traverser la place des Acacias ; un rayon de soleil levant perça la brume et dessina l’humble façade de la maison.

Un sourire mélancolique vint aux lèvres de l’étranger.

Le loueur de chevaux Granger ouvrit le premier sa devanture, puis les volets du premier étage battirent avec fracas, et Mme Schwartz, en cornette du matin, s’accouda au balcon avec Éliacin.

L’étranger attendit jusqu’à sept heures, mais l’autre boutique, sur l’enseigne de laquelle on pouvait lire encore le nom de Maynotte, ne s’ouvrit pas.

À sept heures et demie, l’étranger remit sa balle sur son dos, et s’éloigna dans la direction de la basse-ville. En route, il n essaya point de débiter sa marchandise, et fit comme s’il était venu à Caen uniquement pour s’asseoir sur ce banc de la place des Acacias et contempler de loin cette boutique aux contrevents fermés qui portait sur son enseigne le nom de Maynotte.

Il s’arrêta pourtant une fois entre le quartier Saint-Martin et le pont de Vaucelles. Ce fut aux abords de la préfecture, devant une maison isolée aux abords d’un jardin. Deux enfants criaient et jouaient dans l’herbe, derrière les lilas. L’étranger s’approcha de la modeste grille et regarda. Pendant que les enfants jouaient, leur père, assis sur une chaise rustique, feuilletait des papiers judiciaires, et la jeune mère brodait en surveillant les petits. Chez le conseiller Roland, on était matinal.

Le visage pâle de l’étranger eut un bon sourire. Malgré lui, sa main fit un geste qui ressemblait à une bénédiction.

Et il passa.

Au delà du pont de Vaucelles, son œil rêveur suivit la route de Vire qui montait tortueusement la pente