Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour dire : C’est les quatre cent mille francs de la caisse Bancelle… »

Il s’interrompit pour juger l’effet produit par son récit. Le porte-balle était immobile comme une pierre.

« Comme quoi, poursuivit le père Bertrand avec une certaine rancune, vous n’êtes pas du pays, puisque ça ne vous émoustille pas plus que ça. La caisse valait cher ; elle venait de Paris. Il y avait une attrape pour pincer les voleurs ; justement le brassard de chez les Maynotte fut trouvé pris dans l’attrape… dites donc ! Il m’avait fait la politesse d’une chopine de vin, mais ça ne m’empêcha pas de parler… Comme quoi je suis l’auteur que la justice a pu venger la société ! »

Ici, le père Bertrand, toujours appuyé sur sa perche, se redressa avec un légitime orgueil.

« Vous n’êtes pas du pays, l’homme, continua-t-il, ça se voit. Vous m’auriez crié tout de suite : Vous êtes donc le papa Bertrand, vous ! étant connu comme le loup blanc, depuis le rôle important que j’ai joué dans l’affaire. Vingt ans de travaux forcés, rien que ça. J’entends pour les Maynotte, dont la donzelle était… je ne sais plus le mot, mais ça veut dire qu’on s’est poussé de l’air… et l’argent aussi était dans ce pays-là… Comme quoi, rasés net, les Bancelle !… Ah ! mais, dans le temps, ils avaient hôtel à la ville, château à la campagne et carrosse, s’il vous plaît… C’est bien fait… Et qu’on dit qu’ils cherchent leur pain, à présent… Qu’est-ce que vous avez là dans votre paquet, l’ami, hein ? »

Au nom de Bancelle, la tête du porte-balle s’était inclinée sur sa poitrine. Il répondit ainsi à la dernière question du père Bertrand :

« I don’t speak french, sir. (Je ne parle pas français, monsieur.) »