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brave paysan qui me fournit une monture. Mais je fis bien de résister à la tentation. De près ou de loin, ce paysan appartenait à une confrérie dont mes lettres te parlent bien souvent. Il était là, ce paysan, par les ordres de l’homme qui fut notre perte et qui m’a ainsi sauvé sans le savoir.

Depuis une semaine, je cherchais avec plus d’ardeur encore qu’à l’ordinaire le messager qui doit mettre un baume sur la blessure de ton pauvre cœur. Dimanche dernier, en effet, il m’est tombé sous la main un journal français du mois de septembre. Je lis avec avidité tout ce qui vient de France ; tout ce qui vient de France me parle de toi.

Juge, cependant, ce que j’ai éprouvé en lisant mon nom, notre nom à tous deux, imprimé dans cette feuille qui se publie à Paris. J’ai eu comme un éblouissement. Les malheureux sont fous ; incessamment ils espèrent ; j’ai cru à quelque miracle, à une révélation, à une réhabilitation. Puisqu’on parlait de nous, c’était sans doute pour dire que le bandeau était tombé des yeux de nos juges.

La France, l’Europe, le monde entier n’auraient-ils pas intérêt à écouter ce cri qui proclamerait l’innocence d’un condamné ? Un fait pareil, connu et publié largement, ne devrait-il pas remuer le grand cœur de l’humanité ?

Une âme qui remonte des profondeurs de l’enfer ? n’est-ce donc pas une belle fête ?

Ma pauvre chère femme, ce n’était pas notre réhabilitation ; je dis notre, car tu étais accusée comme moi, et comme moi tu as été condamnée. C’était tout uniment l’annonce de ma mort.

Un fait-divers, comme on appelle cela.

Et j’ai songé tout de suite que tu avais pu lire ce fait-