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forme ; André, pourtant, n’eut pas même un doute : ce devait être le malheureux Lambert.

Lambert était là, en effet, représentant vaguement la posture d’un homme accroupi ; sa tête pendait en avant et si bas que sa nuque formait le sommet de son corps. Ses deux mains crispées tenaient la corde. Un de ses pieds s’enfonçait en terre profondément, tandis que l’autre, qui avait rencontré le rebord des pavés, était littéralement broyé.

Évidemment, Lambert n’avait pas bougé depuis sa chute. La mort avait dû être instantanée.

André lui tâta les poignets pour chercher son pouls ; les deux mains étaient déjà rigides ; il tâta le cœur qui ne battait plus.

En cherchant le cœur, sa main rencontra un papier, le passeport. Il le prit.

Il y avait un arbre dont les branches touchaient le mur. André nous l’a dit une fois : il ne connaissait bien ni son agilité, ni sa force. Quelques minutes après, il marchait dans la rue, d’un pas paisible et tranquille. Il avait franchi deux enceintes.

La prison, cependant, s’emplissait de tumulte. Deux heures de nuit avaient sonné depuis longtemps, et les acteurs du drame funèbre avaient enfin fait leur entrée dans la cellule du condamné à mort. L’évasion était découverte.

Dans la rue, malgré l’heure matinale, des passants circulaient déjà, la plupart venant de la campagne. Ceux-là ne s’étaient pas couchés pour avoir de bonnes places autour de la guillotine. Ceux qui avaient été assez heureux pour voir déjà la guillotine la décrivaient à leurs compagnons plus jeunes. Il y avait des charrettes qui venaient de très loin, des bidets tout boiteux de fatigue, des piétons sincèrement harassés. L’espoir