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le comte du Plessis sauta le second ; le troisième ne sauta pas et fut passé par les armes le lendemain matin.

Quarante ans après cette aventure, le comte du Plessis de Grénédan nous la racontait volontiers au dessert, ce qui prouve à tout le moins qu’il n’était pas mort entre ciel et terre.

André, lancé comme une bombe à une assez grande distance du mur, traversa un tilleul aux rameaux duquel il laissa des lambeaux de son vêtement et de sa peau ; puis le coup d’une énorme massue le laissa foudroyé : c’était le baiser de la terre. Son évanouissement dut être court, car il faisait nuit encore quand il fut éveillé par les aboiements furieux d’un chien qui hurlait de l’autre côté du mur. Il se retrouva à demi-enfoui dans un tas d’herbages et de feuilles sèches amoncelées sous le tilleul et qui attendaient le tombereau. Le souvenir lui revint tout de suite. Le nom de Julie jaillit de son cœur et monta vers Dieu avec d’ardentes actions de grâces ; beaucoup d’honnêtes gens prennent encore la liberté de dire : « Merci, mon Dieu, » tout au fond de leur âme, malgré l’injurieux abus du mélodrame.

Sans trop de peine, André se mit sur ses pieds ; il n’avait aucune blessure. Les aboiements du chien provoquaient déjà un certain mouvement de mauvais augure dans la cour voisine ; mais un silence complet régnait dans cette partie des bâtiments que couronnait son ancienne cellule. Son premier souci fut de fuir ; il fit un pas vers le mur de clôture ; la pensée du cabaretier le ramena en arrière.

Il ne chercha pas longtemps ; à une toise tout au plus de l’endroit où il était tombé, une masse sombre tachait le pavé gris qui bordait le préau. Cela était in-