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« Hé ! Bibi ! veille au chicot du barreau, que la corde ne glisse pas. »

André sauta aussitôt sur l’appui de la croisée. Il venait de plier bagage. Tout ce qu’il possédait au monde, y compris la longue lettre écrite à Julie, tenait dans les poches de sa veste.

Le cabaretier était encore sur le bourrelet.

« Hein ! fit-il gaiement, s’en donnent-ils là-bas avec leurs mailloches et leurs chevilles ! Les gens de Caen vont se déranger pour rien… Nage, Fifi, vous allez voir comme on s’y prend pour voltiger, monsieur Maynotte, quand on entend clouer les planches de son propre échafaud ! »

Ses deux pieds à la fois abandonnèrent le bourrelet ; il se prit à descendre avec adresse et résolution, mais très lentement, parce que la moindre hâte eût fait glisser ses mains sur la corde de soie. André veillait au tronçon du barreau. Une fois, il toucha la corde, qui rendit un son de luth, violemment tendue qu’elle était sur le renflement qui servait de chevalet. Les secondes lui semblaient si terriblement longues qu’il ne put s’empêcher de regarder, se tenant d’une main à la muraille et le corps incliné au-dessus de la saillie. Il ne vit rien que ce mince fil, un cheveu, en vérité, qui allait se perdre dans le noir inconnu.

Lambert ne parlait plus. La corde était immobile, car tout mouvement s’arrêtait au bourrelet. André entendit un petit bruit sec au tronçon du barreau, un bruit imperceptible et semblable au pétillement d’une bougie dont la mèche est humide. Il se leva et regarda. Le barreau ne bougeait pas, mais son arête supérieure tranchait un à un, tout doucement, les fils de la corde, qui éclataient en produisant ce petit bruit.

La sueur froide vint sous les cheveux d’André. La