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que les pêcheurs de saumon passent trois fois autour de leur hameçon sans tête, et le fixa au tronçon du barreau cassé. Ce point d’appui, donnant un très court bras de levier, était solide comme la pierre elle-même.

« Voilà ! poursuivit-il, c’est paré ! Le vent est d’amont, bonne brise. Nous coucherons ce soir chez les goddams… Dites donc, monsieur Maynotte, est-ce que votre petite femme n’est pas quelque part par là, du côté de l’Angleterre ? »

André ne répondit pas. Il faisait ses préparatifs de départ. Lambert, qui était assis commodément sur l’appui de la lucarne, les jambes pendantes au dehors, tourna la tête et dit :

« Ça m’amusera tout de même, monsieur Maynotte, de vous lancer dans les jambes de Toulonnais-l’Amitié ! »

André comptait sur cette bonne rancune, et ne se pressait plus d’interroger. Les renseignements devaient venir à leur temps. Le cabaretier cependant avait lancé sa corde au dehors pour sonder la distance à parcourir, car un bourrelet de la muraille, régnant à six pieds au-dessous de la lucarne, empêchait de voir le sol où la lune n’arrivait point, arrêtée qu’elle était par des constructions diverses et les arbres du préau. La sonde toucha terre ; le cabaretier avait encore plusieurs pieds de corde dans la main. C’était bien. Il examina une dernière fois son nœud, et se lança résolûment dans le vide.

André ne s’était pas encore aperçu de son départ qu’il était déjà debout sur le bourrelet inférieur.

« À tout à l’heure, monsieur Maynotte ! » prononça-t-il avec précaution.

Et comme le jeune ciseleur n’entendait pas, il siffla doucement et ajouta :